Le trail, un enjeu de développement touristique
À Serre-Ponçon, la relance du Grand Trail montre que le trail sert de levier aux offices de tourisme: animer les ailes de saison, attirer des publics variés et fidéliser les visiteurs.
Le 19 septembre dernier, la relance du Grand Trail de Serre-Ponçon était annoncée au bord du lac, à Embrun, par les acteurs locaux et les repreneurs, à savoir l’association organisatrice de l’Outdoormix Festival. Une annonce bien accueillie sur le territoire qui compte sur l’événement pour animer ses ailes de saison, mais aussi pour attirer et fidéliser une (nouvelle) clientèle.
Face au changement climatique et à l’évolution de la demande, de nombreux territoires repensent leur offre touristique. Diversification, activités aux quatre saisons ou encore développement des ailes de saison (i.e. les périodes de creux dans l’activité touristique d’un lieu) constituent autant de pistes explorées par les territoires. Parmi les secteurs dotés d’un potentiel intéressant tant du point de vue de l’économie locale que de la communication, le sport figure en bonne place. Fort d’une croissance continue depuis deux décennies, le trail est l’une des disciplines privilégiées. En quoi un territoire a-t-il tout intérêt à surfer sur la vague du trail running ?
Un minimum de moyens
Contrairement à de nombreuses disciplines qui requièrent des infrastructures spécifiques et un environnement particulier (on pense notamment au ski alpin et au VTT de descente), le trail peut être pratiqué partout à condition qu’il existe un réseau de chemins. Or, la France peut se targuer d’être un pays dont le maillage de sentiers est considérable et où la signalétique est omniprésente, notamment grâce au travail de longue date réalisé par la Fédération française de randonnée, les départements (chargés des Plans départementaux d’itinéraires de petite randonnée, ou PDIPR) et les communes. La pratique du trail est totalement compatible avec les autres usages (randonnée pédestre notamment) et se contente d’utiliser les itinéraires existants, sans besoin d’une signalétique ou d’aménagements spécifiques. Ainsi, nombreux sont les territoires qui se sont dotés d’une Station de Trail®, d’un Espace Trail® ou d’un réseau de parcours identifiés. Le trail est aujourd’hui l’un des produits promus par les offices de tourisme.
Si l’organisation d’une course de trail running exige évidemment un savoir-faire en matière d’événementiel et une bonne connaissance de la discipline et de ses pratiquants, elle ne requiert pas d’importants moyens financiers. En témoignent les courses locales modestes, souvent portées par une poignée de passionnés réunis en petite association. Là encore, les territoires peuvent donc exploiter une activité sportive attractive sans avoir à investir dans des aménagements ou des infrastructures. Certains offices de tourisme sont d’ailleurs porteurs eux-mêmes d’événements de trail running, notamment dans les stations de montagne.
Le trail, un produit d’appel
Populaire et en croissance permanente, le trail rassemble une vaste diversité de profils. S’il était originellement l’apanage des athlètes et des montagnards, il est désormais une activité fédératrice : on retrouve toutes sortes de pratiquants sur une ligne de départ, du traileur professionnel au coureur occasionnel, de la catégorie socio-professionnelle supérieure à la classe moyenne. Le trail est donc une réelle opportunité pour attirer une clientèle variée tout en communiquant autour d’une seule activité. Il n’en est pas de même, par exemple, avec un sport plus élitiste comme le triathlon qui implique l’achat d’un minimum de matériel (vélo, combinaison…) et des dossards souvent onéreux. Le ski alpin est, lui aussi, un produit touristique dont le prix élevé exclut de nombreuses catégories sociales. Le trail, accessible à tous lorsqu’il est pratiqué avec simplicité, peut ainsi être un produit d’appel pour les territoires.
Par ailleurs, un événement de trail n’attire pas seulement les coureurs inscrits à la course. Il draine aussi une multitude d’accompagnateurs (conjoints, enfants, famille, amis…). En découle toute une activité économique avant et après la course : nuitées, restauration, commerces…
« Le Grand Trail de Serre-Ponçon, qui attire 1000 à 1500 participants, génère 3 à 4000 nuitées et 200 000 € de retombées économiques », indique Alexis Aubespin, directeur général de l’office de tourisme d’Embrun. « Cela représente moins d’un pourcent de l’activité économique de la destination, mais générer 0,5 ou 0,8 % du total annuel en deux jours sur une aile de saison comme juin ou septembre, c’est très intéressant. À titre de comparaison, une semaine du mois d’août génère 1,5 %. »
On comprend donc que de nombreux territoires aient un programme événementiel sportif plutôt dense au printemps, à l’automne, ou encore en tout début ou en toute fin d’été : les fameuses ailes de saison sont ainsi dynamisées et, « lorsqu’un événement arrive à ces périodes-là, on n’a plus qu’à appuyer sur le bouton pour travailler nos clientèles afin qu’elles reviennent », ajoute Alexis Aubespin. Sur le territoire d’Embrun, les études menées auprès de la clientèle – sportive ou non – révèle que 90 % des visiteurs reviennent dans les cinq ans qui suivent leur première visite et près de 70 % dans les deux ans. Autant dire que le retour annoncé du Grand Trail de Serre-Ponçon en 2026, après une interruption d’un an en 2025, est une nouvelle bien accueillie par l’ensemble du territoire embrunais qui dépend, directement ou indirectement, à 60-70 % de l’économique touristique.
Penser l’événement trail comme une fête populaire et familiale
Le Grand Trail de Serre-Ponçon est assez emblématique de la tendance générale qui anime le trail running dans sa dimension événementielle. De plus en plus de manifestations sont pensées pour satisfaire non seulement les coureurs, mais aussi leurs accompagnants. Animations pour les enfants (jeux, ateliers, mini-trails…), parfois garderies pour les petits pendant que les parents courent, valorisation des activités de la destination pour occuper les familles pendant la course, gratuité des remontées mécaniques le temps de l’épreuve pour favoriser le suivi des coureurs et valoriser le territoire, conférences et concerts… Les actions sont nombreuses pour satisfaire une large clientèle.
A Embrun, l’association créatrice et organisatrice des éditions de 2021 à 2024, portée par Serge Moro et Jean-Michel Faure-Vincent, annonçait le 19 septembre dernier passer la main à une autre association locale qui organise déjà l’Outdoormix Festival, mélange de musique, de fun, d’activités sportives et de bien-être.
« Le trail a beaucoup changé. La performance pure a laissé place au partage et à la convivialité », analyse Serge Moro. « L’ancienne génération, à laquelle j’appartiens, sait moins répondre à ces nouvelles attentes. Dans la nouvelle formule du Grand Trail, chacun pourra trouver une course qu’il pourra finir et profiter d’une ambiance festive et familiale. » L’équipe de l’Outdoormix Festival compte bien pousser loin le curseur de la convivialité, un peu à l’image de la Volvic Volcanic Expérience qui ne propose pas seulement un trail, mais qui s’ouvre à tous grâce à un dense programme d’animations grand public.
A la clé ? Des territoires qui travaillent à leur image en la rendant plus jeune et plus dynamique grâce à une discipline sportive populaire et à la mode, mais aussi qui attirent des visiteurs en ailes de saison et qui sont plus à même de les fidéliser. Bref, le trail running semble être une option plus que pertinente pour le développement territorial.







