Responsabilité des communes en cas d’accident de trail
Deux décès de traileurs en décembre 2024 relancent la question de la responsabilité en cas d'accident. Entre liberté de pratique et devoir d'information, où s’arrête le rôle des collectivités ?
Par-delà la peine et le respect dus aux victimes et à leurs proches, c’est également la question de la responsabilité pénale qui se pose du côté des pouvoirs publics. Qui est responsable de quoi en cas de décès d’un coureur sur un sentier ?
Des milliers de trails organisés en France, des millions de pratiquants, et toujours plus d’images de traileurs virevoltant sur les sommets. Le trail est à la mode et attire un public toujours plus large, avec des gens moins aguerris et des cohabitations parfois délicates. À cela s’ajoute l’accélération des risques naturels qui fragilisent les itinéraires.
Quelles sont les responsabilités des pratiquants ? Celles des pouvoirs publics ? Dans une société de déresponsabilisation de l’individu, ce sont souvent les communes qui sont considérées comme coupables.
Carnet noir en décembre 2024
Les premiers jours de décembre 2024 ont été dramatiques pour la communauté des traileurs des Alpes du Nord. Ce sont d’abord les pompiers de Haute-Savoie qui ont été appelés le 3 décembre pour une disparition inquiétante. Ses proches n’ont pas vu revenir un coureur de 48 ans parti dans la matinée pour une sortie en trail sur le Plateau des Glières. Une dizaine de sapeurs-pompiers, six secouristes de montagne et un hélicoptère de la sécurité civile sont partis à sa recherche. Le traileur a finalement été retrouvé mort sur la montée du Plateau des Glières en fin de journée. Ensuite le 7 décembre, un jeune homme de 24 ans est mort après une chute dans le massif de Belledonne. Les secours avaient lancé un appel à témoin après la disparition du traileur. Quelques heures après, son corps sans vie a été retrouvé sur la commune de Revel en Isère. Il aurait fait une chute de 100 mètres dans le couloir nord-ouest du Grand Colon.
Qui est responsable ?
Dans ces deux cas, et comme à chaque décès accidentel, une enquête de gendarmerie a été ouverte, ce qui pose à vif le débat des responsabilités en jeu dans ce type d’accident. Quel est le cadre juridique régulant les activités de pleine nature en dehors des événements organisés, dont la pratique libre du trail fait pleinement partie ?
Pour comprendre les enjeux juridiques, ce sont les modes de gestion des activités de pleine nature dans la durée, qu’il faut interroger. La question est simple : qui est responsable et de quoi ? Et en particulier en cas d’accident mortel !
On se rappelle que la Fédération Française de Montagne et d’Escalade (FFME) avait été condamnée à indemniser des familles de victimes à hauteur de plus d’un million d’euros, ce qui avait enclenché une dénonciation des conventions de gestion de très nombreux sites naturels d’escalade à partir de 2020. Si en l’occurrence il s’agissait là de sites d’escalade, qu’en est-il des itinéraires mis en valeur par les collectivités sur les chemins dédiés au trails, de plus en plus nombreux en France ?
Les sites de trail au cœur du débat
Aujourd’hui, la compétence d’aménagement et de gestion des sentiers est le plus souvent gérée au niveau des communautés de communes. Les collectivités locales mettent en place un réseau d’itinéraires qu’elles aménagent, entretiennent et dont elles font peu ou prou la promotion.
Que se passe-t-il en cas d’accident sur l’un de ces sentiers ?
De fait, les réponses ne sont pas si évidentes que ça. La première question est de savoir comment on accède au lieu où s’est déroulé l’incident. Quand on pratique un sport outdoor, et en particulier sur un sentier, on est toujours chez quelqu’un : un privé, une collectivité… La responsabilité des maires, avec leur pouvoir de police, est souvent mise en cause en cas d’accident, surtout mortel. La question la plus simple est posée par la justice : la commune a-t-elle suffisamment prévenu du risque sur cet itinéraire ? Si la commune est propriétaire, ou s’il existe une convention de passage liant la commune et le propriétaire privé du terrain, et si le site est aménagé, en particulier sur les espaces trails, on peut considérer le chemin comme un ouvrage public.
Le chemin est un ouvrage public
Quand un accident survient, la commune et le propriétaire doivent démontrer que l’entretien du sentier est régulier, et que la signalétique pour prévenir d’un danger potentiel est présente et bien visible. Par exemple, en cas de chutes d’arbres, d’éboulis de pierres, ou de tout autre danger, l’accès au sentier doit être restreint ou interdit par prise d’un arrêté municipal apposé très visiblement aux divers accès du site.
C’est la même jurisprudence pour une battue de chasse ou la présence d’un ou plusieurs chiens de protection assurant la sécurité d’un troupeau. Sur un chemin relevant du domaine privé, si un arbre tombe sur un passant, si le chemin s’affaisse au passage d’un groupe de coureurs, c’est la responsabilité du propriétaire, ou du gestionnaire en cas de convention de passage, qui est quasiment automatiquement engagée.
Aucun accident n’est prévisible, mais les conditions de déroulement de l’activité sont primordiales pour la sécurité des pratiquants.
Le partage de la responsabilité avec les pratiquants est simple : il est basé sur l’acceptation des risques. Mais, pour qu’ils soient acceptés, il faut qu’ils soient connus. Il est donc très important pour le gestionnaire du sentier d’informer sur les risques, notamment sur les sentiers engagés en montagne, ou en bord de littoral, où les affaissements de sol et les ruptures de continuité sont fréquentes. En clair, en cas d’accident, surtout mortel, le juge va regarder si l’information est bien diffusée par tous moyens adaptés aux circonstances, afin de reporter toute ou partie de la responsabilité sur le seul pratiquant. Bien sûr, si le pratiquant a un accident en dehors de tout site aménagé, de tout sentier balisé, sur un lieu non dédié par une initiative publique à la pratique du sport, seule sa responsabilité personnelle est engagée. Les traileurs, surtout néophytes, ont vraiment tout intérêt à choisir des sentiers référencés et balisés, en particulier ceux des espaces trails qui garantissent diversité et attractivité.
Il faut toujours être attentif aux informations apposées aux divers accès, sans suivre aveuglement les traces GPX téléchargés sur des sites non officiels qui ne tiennent pas toujours compte des incidents pouvant être intervenus sur le terrain. Sans omettre d’adapter son choix de parcours à son niveau physique et technique du moment.