A quoi cela sert la philosophie (pour ou contre casquette verte) ?
Avec mon profil de prof de philo marathonien, ou de marathonien qui fait de la philo, après la classique question « pourquoi tu cours ? », j’ai souvent eu à répondre à une autre interrogation…
Avec mon profil de prof de philo marathonien, ou de marathonien qui fait de la philo, après la classique question « pourquoi tu cours ? », j’ai souvent eu à répondre à cette autre interrogation : « la philosophie, ça sert à quoi ? » … A réfléchir ! Mais encore ? A douter….
Écoutons Nietzsche : « Ce qui rend fou n'est pas le doute, c'est la certitude ».
Le drame de notre temps, c'est la multiplication des groupes d’opinions - des archipels diraient Jean Viard ou Jérôme Fourquet- qui ont la conviction absolue de détenir « la » vérité indiscutable. Et qu’ils veulent bien sur imposer à tous. Le web et les réseaux sociaux sont un fantastique terreau de contagion de ces certitudes absolues. Même sur les sujets les plus anodins au regard des soubresauts du monde, comme par exemple « Pour ou contre casquette verte ? », on en arrive à s’insulter !
La certitude absolue d’avoir raison est extrêmement dangereuse.
C'est cette certitude d’avoir raison qui conduit à la violence pour imposer sa vision du monde. On moins on sait, au plus on affirme ! On pourrait paraphraser Jean-Jacques Rousseau qui disait très à propos « plus le corps est faible, plus il commande ; plus il est fort, plus il obéit », ce qui devient aujourd’hui « plus le savoir est faible, plus il commande, plus il est large, plus il rend humble »…
On laisse de moins en moins de place au doute alors que se multiplie - et se diffuse - des visions de plus en plus diverses de la réalité. Quand ce n’est pas de la pure manipulation pour nous faire acheter, ou adhérer - à un quelconque produit ou idéologie.
Le doute, c’est le moteur de la pensée.
« Je doute, donc je suis… » L'attitude philosophique initié par Descartes, c’est de prendre le recul nécessaire pour interroger ce que l’on croit spontanément : suis-je certain de ce que je pense, pourquoi je le pense, d’où me vient cette pensée ? Tout notre parcours de vie nous fait intégrer - entre expériences, rencontres, curiosités, drames et bonheurs - des avis et des postures face au réel. Sans pouvoir le plus souvent s’offrir le temps de la critique et de la remise en question.
Réfléchir de manière critique, c'est d'abord interroger ses propres certitudes, comprendre d’où elles viennent, imaginer d'autres possibles, étudier le fondement des conceptions opposées. Pourquoi l’autre ne pense pas comme moi ? Telle est la question… Grandir en maturité, c’est aussi cela, et amène parfois à fragiliser nos certitudes de vérité, qui n’étaient que des convictions fragiles.
Il nous faut apprendre à respecter une pensée autre, différente.
La maturité philosophique, c’est à la fois d’adhérer - avec recul - à une vision du monde que l’on s’est construit par son parcours de vie, entre expérience vécue et analyse critique, et qui nous offre des repères pour agir. C’est notre projet de vie, certes absurde selon Albert Camus, mais d’un absurde qui lui fait dire : « Il faut imaginer Sisyphe heureux ! ». C’est notre tâche du jour, acceptée comme telle, et jugé par nous pertinente, qui donne du sens à notre vie. Pour nous, et pas forcément pour les autres !
Courir tous les jours, boucler un ultra n’a pas de sens en soi. Mais s’il en a pour nous, et qu’il nous donne de la quiétude, sans nuire à d’autres, alors c’est bien. Ce n’est pas plus compliqué que cela ! Il nous faut ainsi tolérer la possibilité de convictions contraires. Cette attitude d’ouverture à l’autre, à sa différence, impose aussi la réciprocité, c’est à dire le respect par l’autre de ma vision du monde.
Si débat il y a, il doit être construit et argumenté, avec la non-agression verbale et physique comme principe partagé. Ainsi les désaccords peuvent être productifs et les oppositions créatrices. Le spectacle des exhortations et harangues entre députés dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale est à cet égard assez affligeant ! Alors qu’ensemble, et différents, on est plus fort !