Mercato ! Plein feu sur le marché du trail
Depuis 2003, les teams ont déferlé sur les trails et structurent ce jeune sport qui devient grand. Le point avec Fred Bousseau, expert trail.
Ici ce n’est pas Jamel Debbouze qui fait l’affiche, mais les grands noms du trail mondial ! Depuis 2003, les teams ont déferlé sur les trails et structurent ce jeune sport qui devient grand. Le point avec Fred Bousseau*, expert trail.
Comment fonctionne le marché des teams de trails ?
Fred Bousseau : La saison bat désormais son plein, et les forces en présence sont au complet. Initiées classiquement à l’issue de la semaine UTMB début septembre, les négociations ont été particulièrement longues pour cette nouvelle saison. Un retard à l’allumage provoqué aussi par l’arrivée d’agents d’athlètes, paramètre jusqu’alors absent de notre sport.
De quand date cette dynamique des teams ?
Depuis 2003, date de la création du premier team et du premier UTMB, des teams sont progressivement apparus dans le paysage avec l’émergence des marques d’équipementiers dans le trail, pour associer leur gamme de produits à la réalisation de performances. La stratégie marketing des entrants dans le trail était quasiment toujours de créer un team d’athlètes. Un athlète qui gagne avec un produit déclenche les ventes, surtout sous le règne des réseaux sociaux qui ont un effet démultiplicateur. Certains traileurs ont parfois plus de followers que les marques elles-mêmes, comme Kilian Jornet quand il était chez Salomon !
Tu t’intéresses de près au monde des teams ?
J’ai toujours suivi le monde des teams. On se souvient de la grande époque Salomon avec à chaque course du rouge et noir aux avant-postes ! Ce furent les précurseurs de la dynamique des teams ! Leur domination a duré presque jusqu’à 2020, avec le départ de Kilian Jornet. Je me suis penché sur les teams quand ils se sont multipliés, pour réagir à des créations parfois folkloriques. Il y avait une quarantaine de teams proclamés, avec même des clubs qui se sont dénommés teams. Dans cette recherche de reconnaissance des traileurs à travers leur appartenance à un team, il y avait des abus de certains pour pouvoir être invités sur des courses, générant des déceptions à la vue de leurs résultats effectifs sur le terrain. Il s’agissait donc de hiérarchiser les teams sur des critères objectifs, et de mettre ces données à disposition des organisateurs et des décideurs du trail.
Comment as-tu procédé pour « classer » les teams ?
Pour établir cette hiérarchie, je me suis basé sur les classements de l’ITRA. J’ai produit et diffusé le premier classement des teams en 2014, après avoir contacté tous les managers des teams en place. Chaque team se voyait attribué la cotation générale ITRA à chaque coureur, avec les 5 meilleurs retenus, dont obligatoirement 1 féminine. Les teams sans féminine n’étaient pas classés. Pour les féminines, en concertation avec l’ITRA, j’ai attribué un coefficient pondérateur de 1,16 aux féminines pour arriver à une cotation équivalente à celle d’un homme. Dans un team avec 3 féminines, ce coefficient permettait parfois aux filles de devancer des hommes dans le groupe de 5 traileurs retenus classant le team. J’ai tenu à jour ce classement de 2014 à 2022. Et je le relance en 2025 !
Durant cette période, quelles sont les tendances ?
Pendant 10 ans, j’ai constaté qu’aux avant-postes des teams, il n’y a eu que des teams d’équipementiers. Une marque forte est indispensable pour faire vivre un team. Pour les premières places, ce fut une lutte entre Salomon et Hoka, très proches, ce qui est significatif des deux marques qui ont le plus investi dans le trail, tant dans le développement de produits, que dans le marketing, dans l’événementiel et la structuration d’un team.
En 2025, on constate que seules les marques mettant en marché des produits pour les traileurs soutiennent des teams, à contrario d’autres sports où des enseignes généralistes soutiennent des sportifs, comme dans le vélo ou la voile par exemple. Pas de Danone, Orange, Cofidis, Coca-Cola ou Total dans le monde du trail !
Où en sommes-nous en 2025 ?
Aujourd’hui, les marques principales attachent toujours une grande importance aux teams. Les marques exploitent les résultats de leurs athlètes pour promouvoir leurs produits. En France, les teams de trails évoluent, avec un retrait des teams nationaux. Beaucoup de marques se sont faites cannibalisées par des athlètes beaucoup plus gourmands, et les teams se resserrent sur l’élite très visible, au détriment des athlètes de niveau moindre, les budgets des marques n’étant pas extensibles. C’est une tendance de fond, boostée par l’internationalisation du trail et la multiplication des différents circuits planétaires. Les principaux équipementiers privilégient le développement d’un team international, plutôt que de conserver des teams par pays. Salomon stoppe ses teams nationaux en Europe – à l’exception des athlètes sous contrat jusqu’à fin 2025 – pour se recentrer sur un team international. Même chose chez On, Asics, Adidas, Hoka, et même The North Face.
Un jeune traileur peut-il espérer vivre du trail ?
Un coureur très fort peut espérer être pro, comme Sylvain Cachard ou Baptiste Fourmont. Il faut vraiment être au-dessus du lot et gagner des courses majeures pour espérer vivre décemment du trail et avoir un vrai statut, avec au moins un salaire mensuel équivalent au SMIC. Et si les sommes peuvent paraître importantes, elles sont vite engagées. Un trailer sous statut d’auto-entrepreneur, recevant 10 000 euros annuels d’une marque, paye 30% de charges, a au minimum 3000 euros de frais externes pour sa saison, et à la fin, il lui reste l’équivalent de 300 à 400 euros par mois…
Les 6 critères retenus pour définir un team trail
Une cote ITRA moyenne minimale (810)
Une marque leader (ou 2) qui permet(tent) de nommer le Team
Une structure organisée autour des athlètes (à minima un manager et coach individuel ou collectif)
Un contrat matérialisé entre l’athlète et le Team
Un minimum de 5 athlètes par marque dont 1 féminine obligatoire
Une représentation homogène (tenue et naming)
*Qui est Fred Bousseau ?
Journaliste spécialisé dans le domaine du trail depuis plus de 20 ans, il est particulièrement connu pour son travail avec le magazine Trails Endurance Mag jusqu’en 2023, où il partagea son expertise et sa vision sur l'évolution du trail. Aujourd’hui, il écrit sur de nombreux supports, anime des incentives autour du trail et commente des épreuves en live.