Les 4 fantastiques : une brève histoire du trail !
De 1974 à aujourd’hui, le trail connait un engouement mondial fulgurant, et inédit dans l’histoire du sport« moderne ». C’est un « tsunami » débordant du cadre sportif pour s’instituer en phénomène...
Un phénomène de société, ouvrant en « immense » les offres de courses. Quatre fantastiques courses furent le terreau de cette riche moisson…

Si en 2025, on dénombre au moins 30 000 épreuves dénommés trail dans plus de 200 pays, et sur les 5 continents, il n’y en avait qu’une petite poignée à l’aube des années 70… Les racines du trail se partagent entre USA et l’Europe, mais sa forme populaire et conviviale est d’abord née en Suisse puis en France. Avec en particulier quatre grandes courses fondatrices, portées par des personnages hauts en couleurs, dépoussiérant la course à pied « performative », pour en faire une pratique attractive « pour tous » !
Toujours plus long et plus dur !
Pour faire simple et court, l’histoire du succès du trail, c’est d’abord l’authenticité haute en nature d’épreuves tracées sur des itinéraires ciselés dans des sites magnifiques, avec des formules ouvertes à tous, et un traitement égalitaire pour tous les inscrits, valorisant la participation - être finisher ! - plus que la performance sportive. Le trail, c’est ensuite une augmentation progressive des distances des épreuves populaires, passant en 1974 des 31 km de Sierre-Zinal aux 170 km de l’UTMB en 2003, des formats encore plus longs devenant eux aussi des références depuis le Tor des Géants (330 km, depuis 2013) jusqu’à la Swiss Peak dont le parcours le plus long propose un total de 660 km et 50 000 mètres de dénivelé…
1974 : La première course de montagne populaire, Sierre-Zinal
On l’appelle La course des Cinq 4000, et son parcours totalise 31 km pour 2200 m de dénivelé. Un fameux tracé qui reste inchangé depuis 1974, permettant aux générations successives de se mesurer, Kilian Jornet étant désormais le mètre étalon !
Arrêt sur image : nous sommes en Suisse au début des années 70... La seule course de côte Suisse se nomme « Fionnay-Panossières », où 60 partants –surtout des skieurs de fond - s'affrontent en utilisant leurs bâtons de ski...
C’est alors qu’un mathématicien suisse, Jean-Claude Pont, rêve d'une belle épreuve qui réunirait ses deux passions : la course et la montagne car il est aussi guide de haute-montagne. En guise de parcours, il choisit un itinéraire que peu de Valaisans ont parcouru sous cette forme, que ce soit pour la chasse, le tourisme ou la vie rurale ! Un chemin « naturel par morceaux », partant de la vallée pour grimper « dans la pente » par Ponchette et rejoindre le pittoresque village de Chandolin en suivant un sentier de chèvres qui oblige les meilleurs à se courber et marcher pour se hisser vers le majestueux Hôtel Weisshorn. Le tracé navigue ensuite vers les alpages de Nava, Barneusa, entre racines et pierriers, pour enfin « tomber droit » vers la riante station de Zinal.
Jean-Claude Pont se lance dans « l'épreuve », et dès la première édition en 1974 - surprise ! - ce ne sont pas moins de 1000 coureurs qui foulent les sentiers de Sierre à Zinal...

Jean-Claude Pont crée également une formule qui aujourd'hui fait florès. Deux heures avant les coureurs, les « touristes » partent se mesurer au même parcours, et deviennent ensuite les supporters de « l'élite » qui les rattrape, la sécurité étant garantie par les sifflets d'une centaine de militaires rappelant les touristes à la priorité de passage des coureurs. En 2025, Sierre-Zinal va lancer sa 52ème édition, avec plus de 6000 coureurs au départ, l’élite mondiale du trail, avec 20 000 spectateurs sur le chemin et une diffusion télévisée en direct cumulant plusieurs millions de téléspectateurs !
1979 : La première grande course à Chamonix, le Cross du Mont-Blanc

C'est au cours de l'hiver 1978 au travers de ses nombreuses randonnées à ski que Georges Costaz, Président du Club Alpin Français à Chamonix, a l'idée de mettre sur pied une course pédestre de montagne au pied du Mont-Blanc. Pour mener à bien son projet, il demande l'aide et les conseils de Christian Roussel, Président du Chamonix Mont-Blanc Marathon et coureur très connu dans la jeune discipline des courses en montagne.
Les deux hommes se mettent au travail avec l'aide d'un petit comité. Le projet avance rapidement malgré les difficultés, et le rêve devient réalité le premier dimanche du mois de juillet 1979, 292 coureurs dont 16 filles prennent le départ à Chamonix du premier Cross du Mont-blanc.
Face à la chaîne du Mont-blanc, cette course deviendra rapidement l'incontournable rendez-vous des coureurs de montagne avec ses 24 km et ses 1600 m de dénivelé. Au cours de ses 45 éditions, le Cross du Mont-blanc connait un succès grandissant, et dès 1983 la participation dépasse les 1000 coureurs. L'organisation se structure autour du Club des Sports de Chamonix qui porte encore aujourd’hui cette épreuve.
L'épreuve a une notoriété mondiale, et son programme s’est peu à peu étoffé : en 2003, pour célébrer le 25ème anniversaire du Cross, l'événement a été renommé "Marathon du Mont-Blanc" et une course de 42 km a été ajoutée. Cette année-là, le marathon est devenu l'événement principal, tout en conservant la course de 24 km. Au fil du temps, d'autres courses ont été ajoutées pour diversifier l'événement et attirer un public plus large. Cela inclut le 10 km, le Kilomètre Vertical (2011), le 80 km (qui est devenu le 90 km en 2013), et des courses atypiques comme le Duo Étoilé ou pour les jeunes avec le Young Race Marathon (2015).
Aujourd'hui, le Marathon du Mont-Blanc fait le plein et limite ses engagés à 10 000 coureurs - pour 30 000 demandes - sur l’ensemble des huit courses différentes. L'organisation met également un fort accent sur la réduction de l'empreinte carbone de l'événement, en réservant par exemple 40% des dossards aux participants qui s'engagent à venir en train ou en bus.
1995 : Le premier « trail » : La Grande Course des Templiers
C’est à tout jamais la première fois que le vocable trail est utilisée sur une épreuve de course à pied sur le vieux continent. Et cela se passe en Aveyron, sur La Grande Course des Templiers créée en 1995 par un couple curieux et inventif, Gilles Bertrand et Odile Baudrier.
Journalistes sportifs, l'idée de créer ce format de course leur est venue à la suite des reportages effectués aux USA sur des courses comme le Leadville Trail et la Western States. Le concept était innovant et a posé les bases du trail d’aujourd’hui : une longue distance, des ravitaillements rares et sommaires impliquant une semi autosuffisance, une mise en scène sacralisée et soignée du départ et de l’arrivée, avec une narration de l’épreuve liée à l’histoire des lieux traversés.
La première édition a eu lieu à Sainte-Eulalie-de-Cernon avec près de 500 coureurs. Déplacée à Nant, puis à Millau, la course a très rapidement gagné en notoriété et en fréquentation populaire.Très vite, elle a franchi la barre des 2 000 participants, ce qui a conduit à des ajustements, avec en particulier la création d’un programme de plusieurs courses, regroupées sous un nouveau vocable : le Festival des Templiers.
Au fil des ans, d'autres courses ont été ajoutées au festival, pour cumuler 15 épreuves différentes, avec entre autres l'Endurance Trail, L’Intégrale des Causses, la Templière (premier trail féminin en 2004), le Marathon des Causses, la Junior Trail, ou les Troubadours... Ces ajouts ont permis d’accueillir un public plus large. Le Festival des Templiers cherche à rester indépendant et fidèle à ses valeurs d'origine, mettant l'accent sur l'engagement, le désintéressement de ses promoteurs et le respect de l'environnement. Pour sa 31èmeédition en 2025, il accueillera 13 000 coureurs répartis sur toutes les épreuves proposées, avec plus de 40 000 spectateurs attendus !
2003 : La création de l'Ultra Trail du Mont Blanc (UTMB)
Pour comprendre le succès de l’UTMB, il faut l’inscrire dans son territoire et son histoire. Le Mont Blanc, c’est le toit de l’Europe, un massif mondialement connu, avec à ses pieds la ville de Chamonix, capitale mondiale de l’alpinisme. La première ascension du Mont Blanc remonte à 1786 et a marqué le début de l'engouement pour les Alpes.
Faire le tour du Mont Blanc à pied devient un incontournable de la randonnée alpine dès les années 1960 grâce à l'initiative de plusieurs associations de randonnée qui ont balisé et aménagé des sentiers autour du massif : c’est le Tour du Mont Blanc (TMB) qui traverse trois pays : la France, l'Italie et la Suisse, sur environ 170 kilomètres. Lors de l’été 1970, on recensait déjà plus de 5000 marcheurs sur le TMB ! La plupart y consacraient une dizaine de jours, mais dès 1978, des coureurs à pied (Christian Roussel et Jacky Duc) posèrent le premier jalon chronométrique en 24h45mn.

Des comme Jacques Berlie s’y essaieront ensuite et dans les années 80, le skieur de l’extrême Sylvain Saudan organise une course avec dossards autour du Mont Blanc. Un décès lors de la seule édition met un terme à l’épopée, et il faut attendre l’année 2003, pour qu’un couple « magique » Catherine et Michel Poletti, créent l'Ultra Trail du Mont Blanc (UTMB), qui devient rapidement l’événement le plus prestigieux et le plus recherché au monde dans le domaine du trail.
Avant l’UTMB, les épreuves de longue distance étaient prisées seulement par des amateurs d’endurance extrême, dans une grande confidentialité. Depuis la création de l’UTMB, le « 100 miles » est devenu le graal de la majorité des coureurs ! Une évolution portée par un vrai savoir-faire en matière d’organisation, focalisée sur « l’expérience » coureurs, incluant tous les participants, développant excellemment une martingale du succès initiée par la Grande Course des Templiers : scénarisation du départ et de l’arrivée, traitement égalitaire de tous les participants, valorisation de l’effort fourni quelque soit le classement.
Aujourd’hui 10 000 coureurs se répartissent sur l’une des huit courses différentes, étalées sur une semaine : l'UTMB (171 km), la CCC (101 km), la TDS (145 km), l'OCC (56 km), la PTL (300 km), la MCC (40 km), la ETC (15 km) et la YCC (15 km pour les jeunes). A noter que les participants sont « tirés au sort » à l’issue d’un processus de qualification construit sur des points dénommés Running Stones, glanés sur une ou plusieurs des épreuves labélisées « By UTMB », avec plus de 50 dates réparties à travers les cinq continents.