Le grand boom du trail running !
En parcourant les travées du premier salon professionnel « The International Running Expo » d’Amsterdam en novembre dernier, le constat est éclatant : le trail running est un business appétissant !
Un immense marché s’est ouvert, multipliant les offres de produits et services proposés à une génération de traileurs gourmands à l’infini de technologie et de nouveautés.
Le marché du trail running connait une expansion jusqu’alors inédite dans le domaine du sport. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. En premier lieu, l’accroissement exponentiel du nombre de pratiquants et d’événements de plus en plus médiatisés. En second lieu, la forte dimension communautaire de cette pratique devenu phénomène social avant d’être une activité sportive, favorisant la réassurance identitaire au sein d’un groupe affinitaire. Enfin l’omniprésence de nouvelles technologies addictives et la profusion d’innovations séduisantes en tous genres qui ont rendu le marché très attractif, en particulier pour les jeunes générations. À tous les étages de ce qui est désormais une vraie filière, la concurrence est forte pour capter une part de marché.
Les équipementiers sont en première ligne, les détaillants aménagent d’immenses rayons trail running
A l’échelle mondiale, le marché du trail running ne cesse de croître, porté par des pratiquants de plus en plus soucieux de bien-être physique, de sérénité mentale et de convivialité sociale affinitaire. Si la course à pied version running populaire sur route a connu ses premiers frémissements à la fin des années 70, sa large démocratisation adossée à une explosion de produits et services est bien plus récente.
Un seul chiffre : dans la deuxième moitié des années 1970, la FFA dénombrait moins de 500 coureurs réguliers en dehors du stade. La pratique de la course à pied sans licence en était à ses balbutiements, avec la création lors de cette décennie 1970-1980 des premières classiques routières, d’abord Marvejols Mende puis Marseille-Cassis, et de la première course de montagne « populaire », le Cross du Mont-Blanc à Chamonix. Cette pratique dite « libre » s’est vraiment développée dans les années 1980-1990. C’est ce que l’on appelle l’ère du jogging avec, en dehors du bitume, les premiers circuits de course en montagne, encore resserrés sur une élite sportive restreinte.
En l’an 2000, les études disponibles évoquent le chiffre de 3 millions de Français pratiquants la course à pied. Avec le terme trail apparaissant peu avant les années 2000, cette pratique s’extrait de la performance chronométrée et attire les pratiquants de tous les horizons sportifs -vélo, rando, ski- en quête de liberté, loin des espaces urbains, sur des terrains naturels où l’effort se mêle au plaisir du paysage. On peut y voir une cause conjoncturelle, correspondant à l’état actuel du monde : une quête de sens, et d’expérience sociale dans le sport, plus qu’une performance sportive absolue, ancien cadre de référence de l’athlétisme sur stade. En résulte une appétence nouvelle vers des activités de plein air moins normées et moins performatives que le running sur route.
La France est aujourd’hui le premier pays organisateur de courses de trail au monde
Rien qu’en 2025, près de 5000 épreuves de trail ont été recensées. L’offre s’est largement diversifiée : courses courtes, trails urbains, en montagne, alpitrail, trails par étapes, formats ultra-endurance, courses en autonomie… Cette explosion du calendrier conforte le potentiel économique du trail pour les marques, et désormais aussi pour les territoires, dans une logique concurrentielle de communication marketing.
C’est bien l’UTMB à Chamonix qui incarne le mieux le poids du trail running et son mode de fonctionnement : provenant de 100 nations, 10 000 coureurs disposent d’un dossard après un long processus de sélection. Ces 10 000 coureurs (dont 40% de français), et leurs accompagnants, convergent chaque année vers la ville de Chamonix, rebaptisée capitale mondiale de l’ultra trail. En marge des épreuves officielles, les marques organisent par dizaines des « activations », c’est à dire des moments promotionnels participatifs mobilisant une large communauté de consommateurs potentiels.
L’événement « global » UTMB, désormais étalé sur une semaine avec un dense programme d’épreuves, génère des dizaines de millions d’euros de retombées économiques. Cet impact considérable illustre le poids touristique et médiatique de la discipline. Et par-delà le succès de la course phare de Chamonix, dans l’après COVID de 2020, le lancement des séries UTMB Index a vu la participation des traileurs sur ce circuit, croitre de 2,4 fois en trois ans (2022–2025), avec plus de 800 000 participations enregistrées au premier semestre 2025 !
En 25 ans, courir est devenu un phénomène de société
Aujourd’hui, en France, près de 13 millions de personnes pratiquent régulièrement la course à pied sous quelque forme que ce soit, ou la marche rapide, l’installant en tête des activités physiques préférées des français. Selon la récente étude de l’Union Sport & Cycle, l’âge moyen du coureur occasionnel est de 40 ans, les compétiteurs, eux, ont deux ans de plus.
Le public du trail devient plus diversifié, avec une augmentation notable de participants débutants et une augmentation très significative de la participation féminine (+160 % entre 2022 et 2025 dans certaines courses UTMB Index). Dans le running en général, et le trail running en particulier, ce sont les notions d’effort partagé, de dépassement de soi, la participation à des épreuves à forte notoriété et la découverte de nouveaux horizons qui sont mises en avant comme motivations principales par les nouveaux coureurs.
En seconde intention, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, on retrouve sans surprise l’évocation de valeurs de plaisir et de santé. A cette inflation croissante de pratiquants, du coureur occasionnel au sportif confirmé, répond une offre de plus en plus riche et variée de produits et services, avec une capacité des marques à innover assez remarquable. Entre les équipements, les frais d’inscription aux courses et les déplacements, les abonnements aux divers services, le panier moyen annuel d’un coureur-compétiteur peux atteindre plusieurs milliers d’euros.
Le marché du trail running pèse annuellement plusieurs milliards d’euros
Depuis 20 ans, le trail a connu une croissance annuelle comprise entre 5 et 10 %. Même en période de ralentissement économique, et même pendant les années COVID, la discipline a continué de progresser, soutenue par une demande toujours plus forte en produits techniques, par des événements toujours plus ambitieux et par une valorisation médiatique grand public croissante. Par exemple, le marché des articles de running figure parmi les premiers marchés français du sport en termes de chiffre d’affaires, loin devant celui du football ou du tennis.
Le segment le plus significatif pour mesurer l’évolution du marché est celui des chaussures de trail running : ce marché pourrait presque encore doubler en une décennie, coefficient exceptionnel pour un segment sportif. On estime à 9 millions de paires le nombre de chaussures vendues en France en 2025, pour un coût moyen de 131 euros. Cette attractivité justifie l’engouement non seulement des équipementiers outdoor (Rossignol, Salomon…) mais aussi des marques running historiques (Adidas, Asics…) et spécialisées (Hoka…).
Chaque année, des gammes techniques toujours plus sophistiquées voient le jour pour répondre à une demande de plus en plus exigeante et pointue. En complément des chaussures, on constate une demande exponentielle pour de coûteux équipements et vêtements techniques ultralégers, des dispositifs GPS et des services numériques (applications d’entraînement, communautés). Mais aussi des événements et voyages d’aventure autour du trail ! Il faut savoir que les traileurs représentent un public à fort pouvoir d’achat : selon l’étude Think Tank Trail, les catégories sociales professionnelles supérieures y sont massivement représentées (51 %), et 22 % des traileurs déclarent plus de 50 000 euros de revenus annuels.
Le trail comme levier pour le tourisme sportif et l’attractivité territoriale
C’est un phénomène en expansion depuis les années 2000 : l’impact économique sur les territoires des compétitions de trail est très significatif, et décloisonnent les saisons. Les grands événements deviennent de véritables moteurs d’attractivité territoriale pour les hébergements, la restauration, les transports, les prestataires d’activités… Cette induction économique puissante s’inscrit pleinement dans les stratégies « expérientielles » introduite par l’UTMB, où l’objectif est d’offrir une immersion totale au participant, du premier au dernier, comme au spectateur.
Aujourd’hui ce sont les régions alpines et pyrénéennes qui bénéficient fortement de la croissance du trail. Les événements valorisent économiquement les paysages, dynamisent les saisons touristiques en amont et en aval de l’été, et attirent une clientèle fidèle, souvent à haut revenu. Les chiffres du marché mondial du tourisme trail running (courses, voyages d’entraînement, séjours sportifs) indiquent que l’Europe reste la destination la plus prisée pour ce type de tourisme (Alpes, Pyrénées, Dolomites, etc.), devant l’Amérique du Nord.
Les concepteurs d’objets connectés et d’applications mobiles se sont multipliés
C’est là aussi une réalité des années 2000, les concepteurs de produits connectés multiplient les offres et accrochent les coureurs avec des services gratuits à l’initiale, puis payant en premium. Et surtout, ils se positionnent en acteurs de référence-experts auprès de futurs adeptes, au détriment des acteurs historiques - et légitimes - de la discipline.
C’est un des paradoxes du trail running, les moyens technologiques sont utilisés par celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui entrent dans une logique consumériste et virtuelle de leur pratique du running, censée être plus naturelle et ouverte aux sensations intimes. Conquis par des équipements de dernière génération, beaucoup de pratiquants organisent leurs sorties de manière de plus en plus assistée : une trace GPX à suivre, une fréquence cardiaque à respecter, des temps de repos imposés, une évaluation en direct de l’impact de l’effort fourni, et bien sûr la mise en réseau immédiate de toutes ces données pour les offrir à leur communauté.
Cet accès aux datas, via les montres connectées et jusqu’aux analyseurs de lactate, permettrait d’organiser l’entraînement de manière de plus en plus pointue. Jusqu’à oublier les signes corporels et la volonté de liberté et de sensations qui avaient présidé à leurs débuts dans le trail running. Les chaussures à plusieurs centaines d’euros, les outils de récupération, la nutrition sportive hors de prix, et les nombreux abonnements aux applications augmentent sensiblement le budget alloué à un sport qui se veut ou se voulait bon marché. Alors qu’en réalité, l’écoute de soi, le respect d’une hygiène de vie, en cohérence avec la volonté d’une relation harmonieuse à son corps via la course en milieu naturel, tout cela est assez facile et peu coûteux à mettre en œuvre. Il faut redécouvrir l’importance de la qualité du sommeil, le respect d’une bonne alimentation, la gestion correcte des épisodes de stress, et développer son aptitude à récupérer sans culpabiliser les jours de repos.
Le marché mondial des chaussures de trail running en 2025
Il est estimé à environ 4,1 milliards de dollars en 2025, et devrait continuer à croître fortement dans les années à venir.
Amérique du Nord : 1,109 milliards de dollars
États-Unis : 873 millions de dollars.
Canada : 166 millions de dollars.
Mexique : 44 millions de dollars.
Amérique latine : 380 millions de dollars
Europe : 1,027 milliards de dollars
Allemagne : 185 millions de dollars.
France : 175 millions de dollars.
Royaume-Uni : 154 millions de dollars
Italie : 103 millions de dollars.
Espagne : 92 millions de dollars
Asie & Pacifique : 1,561 milliards de dollars
Chine : 656 millions de dollars.
Japon : 234 millions de dollars.
Inde : 203 millions de dollars
Corée du Sud : 172 millions de dollars
Australie : 141 millions de dollars
Moyen-Orient & Afrique : 411 millions de dollars
Émirats Arabes Unis : 90 millions de dollars.
Arabie Saoudite : 82 millions de dollars
Afrique du Sud : 78 millions de dollars






