Le carnet de course à spirale
À l’heure du tout instantané, défendons le carnet d’entraînement manuscrit : un outil simple pour relire ses séances, noter contexte, comprendre ce qui marche et bâtir ses progrès dans le temps long.
Nous vivons désormais dans l’immédiat, qui s’accorde le plus souvent avec l’éphémère. Et pourquoi pas ?
Car vivre l’instant « à fond » est une recommandation en vogue, comme une réponse à l’instabilité du moment et au pessimisme envers demain. Pourtant, pour celui qui prépare une course et qui veut y être à son meilleur, rien de mieux qu’un entraînement qui intègre le retour d’expérience des épreuves précédentes.
Il s’agit là de comprendre les réussites (ou les échecs) passées, en procédant avec méthode à l’analyse plus ou moins fine des conditions qui les ont permises ou entravées. Ce regard rétrospectif est ardu, la mémoire de ses sorties précédentes s’opérant aujourd’hui quasi exclusivement sur le net, et sur un smartphone, les montres connectées ne disposant plus d’interface avec les ordinateurs !
Mon bonheur en lettre capitales !
Alors, je peux vous conseiller une autre méthode, à l’ancienne. Je vous l’accorde, c’est un tantinet ringard : prenez un carnet, ou un cahier, avec si possible des feuilles à carreaux, un stylo et lancez-vous ! Première contrainte de plus en plus inédite depuis la Gen Z : il faut écrire avec la main, et par soi-même, sans correcteur orthographique. Mais c’est durable, adaptable à vos envies de commentaires et de rajouts, et surtout, cela n’appartient qu’à vous… J’oserais même dire que cela va prendre de la valeur avec le temps long !
Des colonnes tracées à la règle…
Et soyons fous, des couleurs différentes d’écriture en fonction de vos ressentis, des descriptions de vos séances en exercice libre ! À vous de jouer et d’être créatif ! Pour la pleine compréhension de ce qui a fonctionné pour « perfer » - ou pas - il n’y a qu’à tourner les pages, et pour un grand saut dans le temps, à retourner à vos anciens cahiers ! Pour planifier au mieux vos futures échéances, ou par simple nostalgie gourmande de vos exploits passés. Votre cahier d’entraînement, parfois, peut devenir votre carnet intime. En regard de vos séances, osez quelques mots sur le contexte de la journée, sur les humeurs du moment, sur ce qui fait bon sens ou grave question ! La vie quoi… Pour paraphraser William Sheller, « j’ai gardé dans mon carnet à spirale, tout mon bonheur en lettres capitales, à l’encre bleue aux vertus sympathiques, sous des collages à la gomme arabique… »
Un jour tout refait surface
J’ai tant et tant couru que la mémoire de mes kilomètres part dans l’au-delà. Pourtant, il n’y a pas mieux qu’une envie de rangement et de place nette pour dénicher ces objets-témoins : dans une boîte à chaussures (des EB, pour les Spiridoniens d’antan), bien rangés, dormaient tous mes cahiers d’entraînement de 1974 à 2022… Hivers de cross et de neige jusqu’aux confins de l’Irlande. Printemps bitumés de préparation marathon au creux de toutes les capitales mondiales… Étés et automnes suisses, autrichiens et italiens, faits de pentes et côtes enchaînées… Gap, Beauvais, St-Étienne, Le Puy-en-Velay, Piau-Engaly, Orléans, Toulouse, à nouveau Gap, puis Marseille, et enfin Paris, tous mes épisodes professionnels estampillés de parcours de course dûment chronométrés et « recordés » ! Tout est là, inscrit d’une plume resserrée et économe, chaque ligne me ramenant aux mille sentiers et à tant de dossards, avec son content de défaites et de victoires, sur les autres, sur moi, sur la vie…
De Marvejols-Mende en 1978, à ma dernière ligne d’arrivée il y a quelques jours, tant et tant de bonheurs et de rencontres consignés sur ces pages blanches mouchetées d’encre noire. Alors, vous aussi, osez le carnet à spirale.




