Glucides en Trail : quelles quantités absorber? Ce que disent les études !
Les scientifiques s'accordent à dire que seul les glucides sont le pilier des apports en trail, du moment qu'on choisi la bonne quantité pour la bonne durée. Mais comment choisir ?
Les sources d’énergie en endurance
Cet article inaugure une série dédiée à l’alimentation en trail. Le sujet est vaste, parfois complexe, souvent passionnant. Après la lecture de celui-ci, vous aurez certainement plein de questions, voire serez frustrer que certains points n’aient pas été développés ici. Cependant, je fais ces choix pour garder le message aussi clair et direct que possible, sans m’éparpille. Soyez assuré que les sujets non développés ici le sauront bientôt !
Pour poser des bases solides, il m’a semblé indispensable de commencer par ce que les principales sociétés savantes considèrent comme le pilier des apports nutritionnels à l’exercice : les glucides.
En effet, pendant un effort, notre organisme pourrait puiser son énergie dans trois macronutriments. Ces derniers peuvent être endogènes (c-à-d., réserves internes du corps) ou exogènes (c-à-d., apporté par l’alimentation). Ces trois macronutriments, endogènes ou exogènes sont donc :
Les glucides. Ceux disponibles dans le métabolisme (endogènes) et ceux absorbés par l’alimentation (exogènes) sont tous deux largement utilisés en endurance.
Les lipides. Ceux disponibles dans le métabolisme (endogènes) sont largement utilisés à l’effort d’endurance surtout à faibles intensités (p. ex., ≈ 60% de FC max et moins). Ceux absorbés par l’alimentation (exogènes) ne sont par contre pas ou très peu utilisés à l’effort, voire vecteur de troubles gastriques (je reviendrais dessus dans un prochain article).
Les protéines. Celles disponibles dans le métabolisme (endogènes), et celles absorbés par l’alimentation (exogènes) ne sont pas ou très peu utilisés à l’effort, voire vecteur de troubles gastriques (je reviendrais dessus dans un prochain article également). L’utilisation des protéines endogènes est d’ailleurs généralement considérée comme un signe de stress métabolique important.
Les glucides donc, à la fois endogènes (glycogène musculaire et hépatique) et exogènes sont ceux que le corps sait utiliser le plus efficacement à l’effort pour produire de l’énergie, en minimisant les risques de troubles gastriques, via un processus appelé la glycolyse – par opposition à la lipolyse pour les graisses et la protéolyse pour les protéines. La revue de littérature de Tiller et al. (2019) les positionnent comme les seuls apports réellement nécessaires à l’effort d’endurance et d’ultra-endurance.
C’est donc à eux que nous allons nous intéresser ici. Pour faire simple, une fois qu’on a compris que les glucides sont l’unique macronutriment exogène réellement intéressant à consommer en course (je reviendrais dans d’autres articles sur pourquoi les autres apports fonctionnent si mal), il ne reste qu’une seule question à se poser : combien en consommer ? Cette réponse dépend d’un autre facteur : la durée de votre effort. C’est cette dernière qui déterminera la quantité de glucides à ingérer, et donc la forme sous laquelle vous pourrez les répartir tout au long de votre course. En résumé, en un raisonnement en trois étapes du type « Quelle durée d’effort ? Donc quelle quantité ? Donc quelle forme de glucides ? », la plus grosse partie de votre plan nutritionnel de course sera réalisée.
Est-ce que consommer des glucides améliore la performance en endurance ?
Si l’on devait répondre de façon tranchée à cette question, la dernière méta-analyse en date offre une réponse claire : oui. Publiée en 2024, cette étude, qui présente un haut niveau de rigueur méthodologique (analyse préenregistrée, évaluation du risque de biais, analyses de sensibilité), de Ramos-Campo et ses collègues s’impose comme l’une des analyses les plus complètes à ce jour sur le sujet. Elle compile 136 études et plus de 5000 participants, pour évaluer l’effet de la prise de glucides pendant l’effort sur la performance d’endurance. Et le résultat est assez clair, consommer des glucides pendant l’effort améliore significativement la performance comparativement à un placebo ou à une boisson contrôle.
L’effet global observé est considéré modéré à fort. Cette amélioration semble plus marquée dans les tests "temps jusqu’à épuisement" que dans les tests « contre-la-montre » mais la différence reste légère. Autre point fort : l’efficacité de la supplémentation est proportionnelle à la durée de l’effort. Plus l’effort est long, plus les bénéfices liés à l’ingestion de glucides sont importants — ce qui fait directement écho aux contraintes spécifiques du trail et de l’ultra-endurance. Voyons donc les recommandations en fonction de la durée de l’effort à fournir.
Combien de glucides dois-je consommer par heure ?
La littérature scientifique sur l’ingestion de glucides pendant l’exercice d’endurance est immense. Des centaines d’études ont été menées ces dernières années, avec des protocoles, des durées et des modalités variées. Plutôt que d’entrer dans les détails de chacune d’entre elles, concentrons-nous sur deux références majeures qui font consensus dans la communauté scientifique, car elles synthétisent brillamment cet ensemble de connaissances tout en restant directement transposables au terrain.
La première est la position commune de trois institutions internationales de référence en nutrition sportive : l’Academy of Nutrition and Dietetics, la Dietitians of Canada et l’American College of Sports Medicine (Thomas et al., 2016). La seconde est celle de la German Nutrition Society (DGE), à travers un groupe de travail composé de chercheurs et cliniciens reconnus en Europe (König et al., 2019).
Ces deux documents établissent des lignes directrices claires sur le type, la quantité et le moment de l’apport en glucides selon la durée et l’intensité de l’exercice. Et selon eux, il suffit de distinguer les apports entre les efforts de moins de 2h et ceux de plus de 2h.
Les recommandations en glucides pour des efforts de moins de 2h
Sur ce type de durée, les réserves endogènes de glycogène, musculaire et hépatique, sont en général suffisantes pour couvrir une partie, voire l’intégralité de la dépense énergétique.
Ainsi, pour des efforts inférieurs à 45 minutes, ces deux publications avancent que l’ingestion de glucides pendant l’exercice n’est pas nécessaire. Cependant, certaines situations particulières, comme un enchaînement de séances au sein d’une même journée, peuvent justifier un apport exogène pour limiter l’ampleur des déficits à couvrir pendant la récupération.
Entre 45 minutes et 2h à 2h30 d’effort, les recommandations de ces groupes convergent vers des apports allant de 30 à 60 grammes de glucides par heure. La logique est progressive : on peut viser 30 grammes par heure pour un effort d’environ une heure, augmenter à 40 ou 50 grammes pour une durée d’1h30, et atteindre 60 grammes par heure dès que l’on se rapproche des deux heures ou au-delà.
Il me semble également intéressant de noter qu’à ces niveaux d’apport, une seule source de glucides est suffisante. Généralement on recommandera du glucose, du dextrose ou de la maltodextrine peuvent être utilisés indifféremment. En effet, ces trois formes étant absorbées de manière identique par le même transporteur intestinal. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire, ni recommandé, à ces dosages, d’apporter du fructose (qui en plus semble mal utilisé à faible dosage de glucides). Je reviendrais dans de prochains articles sur les mécanismes précis d’absorption et l’intérêt, ou non, des combinaisons de glucides, mais pour l’heure, je vous demande de me faire confiance et de retenir les recommandations ci-dessus.
Les recommandations en glucides pour des efforts de plus de 2h
Au-delà de deux heures d’effort continu, la question des apports glucidiques devient centrale. Les réserves de glycogène, musculaire et hépatique, commencent à s’épuiser significativement, et l’organisme devient alors de plus en plus dépendant des apports exogènes pour maintenir le niveau d’intensité requis, et pour faire fonctionner la lipolyse, c’est-à-dire l’utilisation des lipides, qui est elle-même dépendante de la disponibilité des glucides (« les lipides brulent au feu des glucides »). Si ces apports sont insuffisants ou mal calibrés, la performance chute inévitablement.
Dans cette configuration, les recommandations des experts mentionnés convergent vers une plage de 60 à 90 grammes de glucides par heure, avec l’objectif de se rapprocher des 90 g/h, ce qui représente un vrai défi, autant métabolique que digestif.
En effet, il n’est plus possible ici de se contenter d’une seule source de glucides (comme le glucose ou la maltodextrine seule). L’intestin humain a une capacité limitée à absorber le glucose via ses transporteurs, avec un plafond autour de 60 g/h. Au-delà, si l’on souhaite augmenter les apports, il faut introduire une seconde voie d’absorption, via le transporteur spécifique au fructose. C’est cette stratégie – l’utilisation combinée de glucose et de fructose, souvent en ratio 2:1 ou 1:0,8 – qui permet d’atteindre des taux d’oxydation plus élevés (jusqu’à 90 g/h assimilés et utilisés), tout en limitant les risques de troubles digestifs. Je vous parlerais spécifiquement de ces transporteurs dans un futur article.
Cette capacité à assimiler de telles quantités n’est cependant pas innée. Elle s'entraîne. C’est tout l’enjeu de ce qu’on appelle le gut training, une stratégie d'entraînement digestif visant à habituer le système gastro-intestinal à recevoir et tolérer des apports massifs en glucides, dans des conditions proches de celles de la compétition.
Enfin, il est important de souligner que cette approche, bien qu’exigeante, repose sur une base scientifique solide, validée par de nombreuses études, et désormais largement intégrée aux recommandations internationales formulées par les plus grands groupes d’expert (Thomas et al., 2016 ; König et al., 2019).
Est-il utile de consommer plus que ces quantités pour cette durée ?
On pourrait penser que consommer plus de glucides conduit toujours à de meilleures performances. Pourtant, l’étude de Smith et al. (2013), qui a testé des apports allant de 0 à 120 g/h chez 51 athlètes, montre une réalité plus nuancée. Les résultats révèlent une relation dose-réponse curvilinéaire : les bénéfices augmentent jusqu’à environ 80 g/h, mais au-delà, la performance tend à stagner, voire à diminuer légèrement.
Par exemple, les gains atteignent +4,7 % à 78 g/h, mais retombent à +4,0 % à 108 g/h et +3,3 % à 120 g/h. Cependant, il est important de noter que le ratio glucidique utilisé (glucose : fructose : maltodextrine = 1:1:1), est sous-optimal d’après la littérature pour maximiser l’absorption intestinale et limiter les inconforts. Donc ces résultats sont à confirmer avec des apports mieux pensés.
De plus, un point intéressant est que l’étude souligne aussi une forte variabilité individuelle au-delà de ces 80 gr/h avec alors des personnes répondant beaucoup mieux que d’autres. Cette dernière provient probablement de la tolérance digestive et de l’entraînement du système gastro-intestinal. On peut donc penser que certains athlètes bénéficieraient d’apports supérieurs à 90 gr/h uniquement s’ils ont préalablement réalisé une phase de gut training.
En résumé, viser jusqu’à 90 g/h reste une recommandation solide pour des efforts prolongés. Au-delà, les bénéfices deviennent très personnels, et nécessitent un ajustement et un entraînement précis pour optimiser les capacités digestives de chacun.
Je trouve que ce graphique de Jeukendreup, 2004 résume parfaitement et simplement ces recommandations, à quelques infimes désaccords près, surtout à propos de l’utilisation d’une ou plusieurs sources de glucides. Celle-ci est peut être dûe à l’ancienneté de sa publication, par rapport aux papiers consensuels cités.
Conclusion
Dans ce premier article consacré à l’alimentation en trail, il s’agissait de poser les bases. Et en matière de nutrition à l’effort, la base, ce sont les glucides. Ils constituent le carburant exogène le plus efficace, le mieux assimilé, le plus documenté, et surtout le seul réellement capable de soutenir la performance lors d’efforts prolongés.
La littérature scientifique s’accorde largement sur leur efficacité, à condition que leur utilisation soit quantifiée, adaptée à la durée de l’effort, et progressivement entraînée. C’est ce que montrent aussi bien les grandes publications de référence (Thomas et al., 2016 ; König et al., 2019) que les travaux plus récents et pointus comme ceux de Ramos-Campo et al. (2024) ou Smith et al. (2013).
Les glucides sont essentiels, leur quantité à ingérer dépend directement de la durée de l’effort, et la forme à la source (unique ou multiple) dépend de la quantité visée. Pour les efforts inférieurs à 2h, on recommande 30 à 60 g de glucides par heure, apportés par une seule source comme le glucose, le dextrose ou la maltodextrine. À partir de 2h d’effort continu, les réserves endogènes s’amenuisent et il devient nécessaire de viser jusqu’à 90 g/h, en combinant glucose et fructose pour optimiser l’absorption et limiter les risques digestifs. Mais au-delà de ce seuil, les bénéfices sont variables selon les individus. Ma recommandation est de s’entraîner à consommer des glucides à l’effort quelle que soit leur dose. Il s’agit du meilleur moyen de prévenir les troubles gastriques.
À retenir
Moins de 2h d’effort, 30 à 60 g de glucides par heure suffisent, via une seule source (p. ex., maltodextrine).
Au-delà de 2h, jusqu’à 90 g/h avec des glucides multiples (p. ex., maltodextrine + fructose) à un ratio 2:1 ou 1:0.8
Quelle que soit la quantité consommée, entraînez-vous à manger à l’effort pour prévenir les troubles gastriques.
Références bibliographiques
Jeukendrup, A. (2014). A step towards personalized sports nutrition: carbohydrate intake during exercise. Sports medicine, 44(Suppl 1), 25-33.
König, D., Braun, H., Carlsohn, A., Großhauser, M., Lampen, A., Mosler, S., ... & Heseker, H. (2019). Carbohydrates in sports nutrition. Position of the working group sports nutrition of the German Nutrition Society (DGE). Ernahrungs Umschau, 66(11), 228-235.
Ramos-Campo, D. J., Clemente-Suarez, V. J., Cupeiro, R., Benitez-Munoz, J. A., Andreu Caravaca, L., & Rubio-Arias, J. Á. (2024). The ergogenic effects of acute carbohydrate feeding on endurance performance: a systematic review, meta-analysis and meta-regression. Critical Reviews in Food Science and Nutrition, 64(30), 11196-11205.
Smith, J. W., Pascoe, D. D., Passe, D. H., Ruby, B. C., Stewart, L. K., Baker, L. B., & Zachwieja, J. J. (2013). Curvilinear dose-response relationship of carbohydrate (0-120 g·h(-1)) and performance. Medicine and science in sports and exercise, 45(2), 336–341.
Thomas, D. T., Erdman, K. A., & Burke, L. M. (2016). Position of the Academy of Nutrition and Dietetics, Dietitians of Canada, and the American College of Sports Medicine: nutrition and athletic performance. Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, 116(3), 501-528.
Tiller, N. B., Roberts, J. D., Beasley, L., Chapman, S., Pinto, J. M., Smith, L., ... & Bannock, L. (2019). International Society of Sports Nutrition Position Stand: Nutritional considerations for single-stage ultra-marathon training and racing. Journal of the International Society of Sports Nutrition, 16(1), 50.