Il y a des moments où il faut savoir décider en une fraction de seconde … Dire oui ou non à quelqu’un, le suivre pour la vie ou le quitter à l’instant, partir à droite ou à gauche en dévalant un sentier, sortir de la base de vie à l’extrême limite de la barrière horaire, ou rester assis sur son siège sous les yeux inquiets de son team.
Voilà bien des options qui impactent les heures à venir, et qui parfois peuvent avoir de lourdes conséquences. Et cette décision, la nôtre, que l’on croit libre et spontané, nous est imposé par tant de choses, en dehors de la situation du moment. Pour comprendre comment nous agissons dans l’instant, en décidant seul une option, présumant que seul notre libre arbitre est en acte, prenons l’exemple de l’ultratrail. Vous êtes dans une base de vie, épuisé après un très long périple. Il pleut, vous grelottez, tout votre corps dit « stop » ! Votre inconscient prend le relais : vous avez investi tant de temps et d’énergie dans votre préparation, vous avez largement communiqué sur votre exploit à venir, vous avez « négocié » avec votre famille, mis de côté un temps votre engagement professionnel…
Votre corps dit « non », votre tête dit « Je n’ai pas fait tout cela pour rien… » !
Si, à cet instant, vous vous remettez en chemin, avez-vous vraiment toute la lucidité pour vous projeter dans les heures prochaines telles qu’elles seront vraiment, plutôt que celles dont vous aviez rêvé. Là est toute la difficulté ! Comment parvenir à retrouver un certain sens critique, une capacité d’analyse, dans ces moments d’urgence, de détresse, ou de fortes charges émotionnelles ? Il faut une certaine maturité, ou un travail mental préalable, pour passer par-dessus le stress de l’instant et procéder très vite au « bon choix », celui qui ne nous mettra pas en danger, quel qu’il soit ! Développer cette aptitude à prendre spontanément une décision rationnelle résulte d’un réel apprentissage. On appelle cela l’expérience : et cela vaut pour la sphère sportive, professionnelle ou privé. Comme un marin au long cours en haute mer, se détachant de son classement de l’heure, décidant de changer de cap et d’allonger son parcours pour éviter la tempête et finir la nuit sain et sauf !
Dans ces situations d’urgence, celles où l’on doit comprendre que le « code a changé » et que l’exploit personnel promis n’est plus au rendez-vous, il faut pouvoir mobiliser des ressources vitales qui n’ont rien à voir avec l’intelligence conceptuelle telle qu’on la conçoit usuellement ! C’est plus une mobilisation rapide d’une qualité que l’on pourrait définir comme de l’acuité à l’instant, une aptitude à faire le point avec une lucidité « flash » sur la situation, et à faire le deuil d’un projet, d’une aventure, d’une histoire à laquelle on croyait pourtant très fort.
Et quand on sait dire non, on s’offre le possible d’autres matins, d’autres histoires, d’autres rencontres !