42195 mètres, la bonne mesure du marathon
Pourquoi cette distance « bizarre » ? Et comment la mesurer pour que partout dans le monde un marathon fasse la bonne mesure ? On vous dit tout !
Vous êtes marathonien ? Ou rêvez de le devenir ! Un marathon, c’est 42 195 mètres, pas un de plus ou de moins… Pourquoi cette distance « bizarre » ? Et comment la mesurer pour que partout dans le monde un marathon fasse la bonne mesure ? On vous dit tout !
Le marathon est toujours et encore l’épreuve reine de la course à pied. Celle qui hiérarchise les champions et incite dans le monde des millions de runners à se dépasser pour aller au bout de cette distance mythique. Le marathon a été créé à l’occasion des premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne, à Athènes en 1896, pour commémorer la légende de ce messager grec qui aurait parcouru en 490 av J-C la distance de Marathon à Athènes pour annoncer la victoire des Grecs contre les Perses. Pendant des années, l’épreuve s’est courue autour d’une distance d’environ 40 kilomètres. La distance de 42,195 kilomètres a été fixée la première fois lors des Jeux Olympiques de Londres de 1908, pour répondre à l’exigence de la famille royale qui souhaitait que la course termine au pied de sa loge du stade White City. Et ce n'est qu'en 1921, que la distance officielle du marathon a été fixée à 42,195 kilomètres par l'Association Internationale des Fédérations d'Athlétisme (IAAF, aujourd'hui World Athletics).
Un mesurage aléatoire jusqu’en 1990
Il a fallu attendre 1990 pour déterminer en France, une technique de mesure fiable du marathon, comme de toutes les courses sur route ayant une distance de référence dans leur dénomination, comme le 10 kilomètres, le semi-marathon et même le 100 kilomètres.
Pierre Mournetas* raconte : « Avant 1990, beaucoup de performances mondiales réalisées sur marathon étaient douteuses. Aucune méthode particulière n’existait quant à la façon de procéder pour valider les distances. En France, le chrono mondial réalisé lors des Championnats de France de 25 km de Blanquefort le 10 juin 1990 par Dominique Chauvelier, a soulevé le problème de la crédibilité des distances. Après étude du parcours, sa meilleure performance mondiale n’a pas été validée car il manquait 515 mètres. Cette affaire a déclenché une prise de conscience d'importance à la Fédération Française d’Athlétisme… ».
Le très efficace président de la Commission Nationale des Courses Hors Stade de l’époque, Guy Godbillon, a confié à Pierre Mournetas la mission de créer un corps d’officiels habilités au mesurage par la méthode officielle du compteur Jones et au contrôle des courses : « Les marathons existent depuis un siècle en France, mais la mesure officielle telle qu’on la connaît aujourd’hui n’est intervenue qu’en 1990 », explique Pierre Mournetas, expert-mesureur depuis 30 ans pour la Fédération d’athlétisme. Pierre : « Le pionnier, c’est Jean-François Delasalle, le premier à s’être formé dans ce domaine en Grande-Bretagne où ils avaient dix ans d’avance sur la France avec la méthode Jones. Cette méthode avait été développée par Alan Jones, un ingénieur britannique, dans les années 1970. Seuls les marathons calculés avec cette méthode sont aujourd’hui reconnus et "labellisés" par la Fédération Française d’Athlétisme. »
Comment fait-on concrètement pour mesurer les 42 195 m ?
Les 5 premiers mesureurs officiels furent à l’époque Pierre Mournetas, Jean-François Delesalle, Jean-Paul Inguenau, Alain Ségura et Fernand Servais. Depuis, ils ont formé des générations de mesureurs. Le mesureur est un officiel formé et reconnu par la Fédération Française d’Athlétisme. Il parcourt le tracé du marathon juché sur son vélo, avec le compteur numérique accroché au moyeu de la roue avant. Les chiffres affichés sur le compteur avancent à mesure que la roue tourne. Une fois la fin du tracé, le mesureur convertit les chiffres du compteur en kilomètres et cela en fonction de l’étalonnage réalisé sur une piste de référence, avant et après la course. La mesure se fait toujours à deux. Pierre Mournetas précise : « Normalement si la procédure est respectée, on arrive tous les deux à 42,195 km dans le respect de la tolérance. Il faut faire attention au gonflage des pneus, à la température extérieure au départ et à l’arrivée, à l’écart avec les trottoirs et à rouler aussi bien au milieu et sur les côtés. Le vélo suit la ligne idéale de course du marathonien. On fait les mesures la nuit dans les grandes villes comme Paris, ou en journée, mais avec des policiers pour assurer notre sécurité. »
Une marge d’erreur tolérée
Seule une infime marge d’erreur est tolérée. La tolérance est de 0,1%, c’est-à-dire que chaque kilomètre est mesuré à 1001 mètres, ce qui fait 42 mètres de plus sur un marathon. Par contre, après vérification à l’issue de la course en cas de record à valider, si le tracé est plus court de plus de 42 mètres, toutes les performances des arrivants vont au panier, aucune ne peut être validée… D’où l’importance d’un mesurage officiel et sérieux, car cela peut générer beaucoup de frustration pour le marathonien qui s’est préparé de long mois avec son lot de souffrance, de sacrifices, tout ça pour avoir au final un chrono qui ne sera pas retenu. Toutes les étapes du processus de mesure sont documentées, y compris les calibrages, les mesures et les ajustements, pour garantir la transparence et l'exactitude. Ces étapes garantissent que les marathons sont mesurés avec précision et que les coureurs parcourent la distance officielle, ce qui est crucial pour la reconnaissance des records et des performances.
Peut-on se fier à son GPS ?
Aujourd’hui, la grande majorité des coureurs sont ultra connectés, et les montres disposent de GPS très performants. Très souvent, à l’arrivée d’un marathon, les coureurs s’étonnent de lire des distances le plus souvent comprise entre 42 300 et 43 600 m. Mais Pierre Mournetas alerte sur les limites de la technologie : « Il y a des perturbations quand on passe entre des grands immeubles en ville, ou en forêt, donc le GPS c’est un outil formidable pour s’entraîner, mais ce n’est pas du tout un outil de mesurage. De plus, dans les marathons très populaires, il est difficile pour les coureurs en peloton très dense de suivre la ligne idéale de course, la fameuse ligne bleue, qui coupe tous les virages. C’est donc bien le vieux procédé mécanique qui est le plus fiable. » La technologie n’a pas encore remplacé l’homme dans ce domaine, et chaque année, la FFA forme de nouveaux mesureurs. Souvent, il s’agit de coureurs ou anciens coureurs qui font ça sur leur temps libre, de manière bénévole avec seulement une prise en charge financière de leurs déplacements.
*Pierre Mournetas est l’un des premiers mesureurs français avec le précurseur picard Jean-François Delasalle. Il est issu de la première session de formation et de l’examen 1993 du CREPS de Montry (77). Il fut Vice-Président de la Commission Nationale des courses de la FFA des années 90 jusqu’en 2004, en charge des officiels mesureurs et des juges-arbitres. Aujourd’hui, il est expert international de Word Athletics et juge-arbitre FFA.